[CITERADIO] Chronique littéraire – Bénédicte Flye Sainte Marie – “Le moins qu’on puisse lire” – 11 mai 2025

Bénédicte Flye Sainte Marie, rédactrice en chef et directrice de la publication du site “Le Moins qu’on puisse lire”, nous propose une sélection de livres à découvrir.
Bonjour Guillaume, oui, je voulais d’abord vous parler aujourd’hui, dans cette première chronique, de Mademoiselle Spencer, que l’on doit à Christine Orban, autrice qui a publié une trentaine de romans dont Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur, consacré à Joséphine de Beauharnais, un ouvrage qui avait reçu le Prix du roman historique en 2014. Là, c’est une autre femme illustre sur laquelle l’écrivaine se focalise, à savoir Lady Di, la célèbre princesse pour ne pas dire la princesse plus célèbre du monde. C’est quelqu’un sur lequel on croit tout savoir, sur lequel on croit avoir tout dit, parce qu’elle a été au centre de très nombreux livres, de documentaires et de fictions. Rendez-vous compte, Guillaume, il n’y a pas moins de onze actrices – et j’en oublie peut-être – notamment Naomi Watts et Kristen Stewart qui l’ont incarnée à l’écran. Mais paradoxalement, on a beaucoup parlé d’elle, des malheurs de sa vie conjugale, des hommes avec qui elle s’est consolée, de l’épilogue dramatique de sa courte vie. Mais rien, parmi tout ce qui a été écrit ou fait sur elle, ne s’est véritablement attaché à explorer au plus près ce qu’elle a éprouvé avant et pendant cette union que l’on peut qualifier de désastreuse. En lisant Christine Orban, qui entre merveilleusement, je trouve, dans le cœur et dans la tête de Lady Di, on comprend que la jeune Diana Spencer était déjà malheureuse et esseulée avant même de convoler avec Charles.
C’est un enfant qui, à six ans, a vu sa vie de famille être foulée aux pieds par la presse, lorsque sa mère, Frances Roche, a décidé au mépris des convenances de très corsetée aristocratie britannique de quitter son mari, qui était alcoolique et brutal, pour un autre homme. Pendant des mois, leur histoire a fait le régal des journaux anglais. Et on imagine que Diana aurait pu alors trouver du réconfort auprès de sa grand-mère, Lady Fermoy, mais pas du tout… Non seulement, elle n’a eu pas le droit de se plaindre mais cette sympathique aïeule lui a dit que s’il lui venait l’idée de se mettre fin à ses jours, elle serait vite oubliée car “tout le monde est oubliable” comme elle prend plaisir à lui dire. L’enfant fragile est devenu une adulte qui ne l’était pas moins. Le fait ensuite de passer la bague au doigt de Charles n’a, comme vous le savez, rien arrangé puisqu’elle a très vite réalisé, avant même le mariage, qu’une autre femme, Camilla, avait et aurait toujours la priorité aux yeux de son prince pas si charmant, qu’elle ne pourrait jamais lutter et qu’elle ne trouverait de la compassion et de la compréhension chez personne dans sa glaciale belle-famille. Bref, ce Mademoiselle Spencer, c’est un peu la chronique d’une catastrophe qui était presque écrite d’avance, c’est aussi un livre beau et fort, qui se dévore, paru aux éditions Albin Michel. Et bien sûr, vous pouvez retrouver la chronique de Mademoiselle Spencer sur “Le Moins Qu’on Puisse lire” www.lmqpl.com.
Et puisqu’on parle de drame annoncé, je voulais également évoquer avec vous un autre des coups de cœur de la rédaction de Le Moins qu’on Puisse lire, à savoir Une minute de silence, le nouvel opus de Sophie Loubière que notre chroniqueuse Patsy Monsoon a lu et adoré. Dans ce livre, l’écrivaine d’origine lorraine – ce qui est un signe de grande qualité car je le suis aussi ! – revient sur un fait-divers qui a marqué l’histoire de la région en 2008. Jean-Marie Demange, qui a été l’une des figures politiques majeures de la Moselle pendant des décennies et qui a été maire de Thionville pendant 13 ans, a tué peu de temps après la fin de son dernier mandat, Karine Albert, sa maîtresse, avant de se suicider. A l’époque, je me souviens que cet homicide avait suscité l’incompréhension. Sophie Loubière, elle, a justement voulu comprendre le pourquoi de cette équipée meurtrière. Elle a donc décidé de s’entretenir avec les journalistes qui avaient couvert l’affaire, les professionnels qui avaient été chargés de l’enquête et les proches qui avaient évolué dans les divers cercles de Jean-Marie Demange et de sa victime, qui travaillait pour lui. Et ce qui s’en dégage, c’est que l’assassin a été pris dans une sorte d’ivresse ou de mégalomanie du pouvoir et qu’il n’a pas supporté, une fois qu’il n’était plus en poste à la mairie, de perdre ce statut, pas plus qu’il ne tolérait l’idée que Karine Albert, avec qui il entretenait cette relation hors-mariage, le quitte. C’est un roman à la fois pointilleux et puissant, qui n’oublie pas de faire de la place aussi à la victime et même aux victimes, puisque Christiane Demange, la veuve de Jean-Marie, s’est suicidée elle aussi quelques mois après son mari. Et c’est publié par les éditions Dark Side. La critique de ce livre est aussi à retrouver sur notre site.
Dans un autre registre, je continue par le choix d’Anne Bezon, la rédactrice en cheffe adjointe de notre média Le Moins Qu’on Puisse Lire. Anne a eu un coup de cœur pour Sororité : le Pacte, un essai qui a été rédigé à 6 mains par l’historienne Lucile Peytavin, la coach Aline Jaillet et la psychologue Maryne Bruneau, toutes trois expertes et engagées dans les luttes féministes. Elles y proposent aux femmes un manifeste sur le principe de l’union fait la force. Sachant que notre société ne fait pas grand-chose pour faciliter l’accomplissement professionnel des femmes et conditionne au contraire leur réussite au fait d’installer une compétition entre elles, elles ont décidé de proposer avec cet ouvrage une sorte de mode d’emploi pour non seulement ne plus jamais fonctionner sur le mode de la concurrence et de la rivalité mais aussi pour pratiquer cette solidarité entre femmes au quotidien. Peut-être qu’un jour on parviendra d’ailleurs à ce que cette philosophie soit inscrite dans la devise française qui ne parle pour l’instant que de… fraternité ! Ce petit livre très intéressant est paru aux éditions J’ai Lu.
Et j’ai commencé cette chronique par la mise en lumière d’une grande figure de notre histoire contemporaine, Lady Di. Je la clos avec un personnage non moins marquant, qui lui aussi a connu un fin tragique, Jules César, qui est le héros, parfois aussi l’anti-héros d’un roman graphique magistral sur lequel je vous encourage à vous précipiter. Cette BD Moi Jules César, signée par le grand reporter, réalisateur et lauréat du Prix Albert Londres Alfred de Montesquiou et le dessinateur Névil, aussi storyboarder pour le cinéma, qui a nécessité trois ans complets d’enquête et de multiples entretiens avec des historiens, montre comment un enfant de Subure, quartier miséreux de la Rome antique, est devenu le génie militaire et le dignitaire que l’on connaît. Les deux auteurs, qui n’éludent pas les côtés sombres de César, montrent que pour arriver au sommet à cette époque, il fallait avoir le goût du sang et il fallait aussi que l’ambition compte plus que le respect des humains. C’est publié par les éditions Allary.
Voilà, j’en ai terminé avec les choix du mois pour Le Moins Qu’on Puisse lire. Avé, Guillaume, je vous salue et au plaisir de vous retrouver bientôt !
Interview – Bénédicte Flye Sainte Marie – Le Moins qu’on puisse lire – 1er mai 2025
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