[CITERADIO] Chronique littéraire – Bénédicte Flye Sainte Marie – “Le moins Qu’on Puisse Lire” – Rentrée littéraire 2025

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Bénédicte Flye Sainte Marie, rédactrice en chef et directrice de la publication du site Le Moins Qu’on Puisse Lire, nous propose une nouvelle sélection de livres à découvrir.

 

 

Bonjour Bénédicte, vous revenez sur CITERADIO, en pleine rentrée littéraire, pour nous présenter les choix du mois de septembre de la rédaction de votre média “Le Moins Qu’on Puisse Lire”. Vous souhaitiez d’abord nous parler de “Je voulais vivre”, qui se focalise sur l’intrigante Milady de Winter, l’ennemie jurée des Trois Mousquetaires...

J’attaque effectivement cette chronique à la pointe de l’épée avec ce roman signé par Adelaïde de Clermont-Tonnerre et que j’ai eu beaucoup de plaisir à lire. “Je voulais vivre” s’attache à ressusciter et à rendre justice à l’un des personnages les plus sulfureux et vénéneux de la littérature française, la créature à la fleur de lys sur l’épaule, donc la fameuse Milady.

Dans l’œuvre d’Alexandre Dumas et toutes les adaptations qui en ont été faites depuis, cette antagoniste qui aurait été inspirée à l’écrivain par la Britannique Lucy Percy Hay qui était comtesse, agent double et espionne, est dépeinte comme une femme vénale, dépourvue de principes et d’humanité, bref comme la méchante absolue, irrécupérable.

Adelaïde de Clermont-Tonnerre prend à rebours cette version des faits et nous montre qu’avant de faire souffrir et de tuer, celle dont le vrai nom était Anne de Breuil a d’abord subi la violence aveugle et délirante des hommes. D’abord quand sa mère tant aimée et sa servante ont été sauvagement violées et assassinées, ensuite quand son premier mari, le comte de la Fère, alias Athos, un des Trois Mousquetaires, a tenté de l’exécuter en la pendant à un arbre lorsqu’il a découvert la flétrissure que présentait son corps, enfin quand son deuxième époux, Lord Winter, a été empoisonné alors qu’elle pouvait enfin espérer profiter d’un bonheur tranquille auprès de lui et de son fils Mordaunt.

 

Et c’est donc à partir de cet instant qu’elle bascule, sachant comme nous le dit le bandeau de couverture “Milady n’est pas une femme qui pleure… Elle est de celles qui se vengent.”

Oui, Milady avait donc le choix entre se laisser avaler par la fatalité, le destin de misère et d’opprobre qui l’attendait et elle a choisi de réécrire son histoire différemment, en usant des divers moyens dont elle disposait, la séduction, la persuasion, sa connaissance du maniement des armes et des plantes toxiques. Le titre dit qu’elle voulait vivre mais elle souhaitait surtout ne pas mourir et c’est pour ça qu’elle est passée du côté obscur de la force, comme Dark Vador dans “Star Wars”…

Ce qui est intéressant également, c’est qu’Adélaïde de Clermont-Tonnerre donne la parole dans son roman à d’Artagnan, des décennies après le procès et la disparition de Milady. Le vieux mousquetaire y démêle les fils de ses rencontres et confrontations avec elle et y expose parfois son sentiment de culpabilité concernant la fin cruelle que ses camarades et lui ont réservée à la jeune femme. Tout ça est écrit dans un style fluide et nerveux, et on voit arriver la fin du livre à la fois avec bonheur et regret. Donc si je résume mon opinion, un pour tout et tous pour “Je voulais vivre” qui est paru fin août aux éditions Grasset !

 

On passe ensuite des cours de France et d’Angleterre, au sein desquelles Milady a évolué, à la cour du lycée avec “Les derniers jours de l’apesanteur” de Fabcaro…

Oui, dans un tout autre registre, c’est le coup de cœur du moment d’Anne Bezon, qui est la rédactrice en cheffe adjointe de notre média littéraire “Le Moins Qu’on Puisse Lire”.

Anne, comme moi et comme beaucoup de lectrices et lecteurs en France est “fabcarophile”, c’est-à-dire qu’elle ne rate aucun des livres de celui qui est aussi auteur de BD et à qui on doit entre autres les hilarants “Broadway”, “Samouraï” et “Le discours”.

Dans ce nouvel opus qui vient de paraitre, Fabcaro nous plonge dans les affres de la vie de Daniel, qui a dix-huit ans en 1990 et qui traverse une très sale période. La fille dont il était éperdument épris, Cathy Mourier, l’a laissé tomber comme une vieille chaussette ; ce qui est le sujet majeur de ses discussions avec son tandem de copains Marc et Justin. Non content de traverser son premier grand chagrin d’amour, Daniel, comme toujours dans les livres de Fabcaro, doit affronter une série de situations assez loufoques, notamment le mutisme de Béatrice, une élève à qui il donne des cours particuliers et les comportements totalement décomplexés de la mère de cette dernière qui préférerait donner à Daniel des leçons d’anatomie. Ajoutez à ça une voiture récalcitrante, un enterrement qui se passe de manière lunaire et vous aurez un panorama assez complet de sa drôle de vie…

 

Pour  “Le Moins Qu’on Puisse Lire”, c’est donc du pur Fabcaro dans le texte ?

C’est du Fabcaro qui évolue. Parce que si on y retrouve le goût de l’absurde que pratique si bien Fabcaro ainsi que son amour pour les héros ou plutôt les anti-héros, les fameux abonnés à la loose, sa plume se teinte de davantage de mélancolie que dans ses premiers livres, comme c’était déjà le cas dans “Fort Alamo“, son précédent roman. C’est cette petite pointe de gravité dans l’humour qu’Anne a appréciée.

Comme l’indique d’ailleurs l’intitulé de ce roman, Fabcaro, même s’il arbore toujours son masque de clown, décrit quelque chose de très vrai et de très universel, ce saut dans le vide que sont les prémices de l’entrée dans l’âge adulte, à la fois attirant et effrayant. A lire donc sans faute, et c’est publié aux éditions Sygne/ Gallimard.

 

Si la rentrée littéraire 2025 bat son plein, avec plus de 480 livres, vous faites ensuite un bond d’un an en arrière pour évoquer un ouvrage qui lui est sorti en septembre 2024 étant “L’appelé” de Guillaume Viry…

Oui, c’est Marceline Bodier, notre chroniqueuse, qui a découvert tardivement cette pépite et qui a tenu à lui consacrer une chronique. Dans ce court roman d’à peine 160 pages, Guillaume Viry, que vous connaissez peut-être parce qu’il est aussi réalisateur et comédien avec des rôles dans des films comme “Le fabuleux destin d’Amélie Poulain”, “Elisa” ou “Astérix aux Jeux Olympiques”, explore le thème des traumatismes qui ont été niés, invisibilisés au sein des familles et qui finissent toujours par imprégner et impacter les générations suivantes.

Dans son récit, on suit le parcours de Jean, qui a été mobilisé pour faire la guerre en Algérie, qui en est revenu, après avoir été rapatrié prématurément, l’âme complètement en miettes. Jean est tellement brisé qu’il va décéder à trente ans à peine, à l’issue de l’un ses nombreux séjours en hôpital psychiatrique. A l’époque où elle se déroule, cette tragédie est complètement effacée par Louis, le père de Jean, qui brûle tous ses affaires, ses papiers et le reste parce qu’il ne veut “plus entendre parler de ses histoires”. Mais quand soixante ans plus tard, Joseph, le frère de Jean, qui perd progressivement la tête, se met à confondre son fils Julien avec le défunt, ce drame rejaillit et le silence qui l’a entouré vole en éclats. Julien se donne alors pour mission de sortir de l’oubli cet oncle qu’il n’a jamais connu. Ce livre, récompensé par le Prix des lectrices et des lecteurs des bibliothèques de Paris, est à la fois très beau, très fort et très dense et c’est proposé par la belle maison d’éditions indépendante que sont les éditions du Canoë.

 

Vous terminez votre tour d’horizon avec le magnifique roman “Les yeux de Mona”, de Thomas Schlesser, qui parle de peinture avec magie et émotion…

Oui, c’est le choix du mois d’Anne-Sophie Campagne, chroniqueuse elle aussi de talent de notre média “Le Moins Qu’on Puisse Lire”. “Les yeux de Mona”, c’est un livre qui comme “L’appelé” est a été publié il y a un petit moment déjà, début 2024, mais qui va être réédité en octobre, toujours chez Albin Michel, en grand format, dans la catégorie beau-livre. Rédigé par Thomas Schlesser qui est historien de l’art, il a rencontré un succès phénoménal, en France et à l’international avec 600 000 exemplaires vendus et il a été traduit dans 37 langues. Il nous relate l’histoire de Henry, un grand-père qui prend la décision d’aller au musée toutes les semaines avec Mona, sa petite-fille, qui souffre d’une maladie qui risque de la priver de la vue. Son mantra est de lui offrir un aperçu de la splendeur du monde tant qu’elle est encore en mesure de la contempler, à travers les tableaux qu’ils iront voir au Louvre, à Orsay ou à Beaubourg. Mona qui a un goût très sûr, va découvrir que la beauté d’une œuvre est aussi dans l’œil de celle ou celui qui la regarde, pour paraphraser “Le Petit Prince”. A noter pour terminer que Thomas Schlesser a été élu auteur de l’année 2025 lors de la dernière cérémonie des Trophées de l’Édition.

Vous retrouverez la critique de ce roman, comme tous les autres que nous avons évoqués précédemment, sur “Le Moins Qu’on Puisse Lire”, dont je vous redonne l’adresse www.lmqpl.com. Bon mois de septembre, Guillaume, je vous souhaite des semaines riches en découvertes littéraires et vous retrouve bientôt sur les ondes de CITERADIO.