[CITERADIO] Chronique littéraire – Bénédicte Flye Sainte Marie – “Le moins Qu’on Puisse Lire” – Octobre 2025

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Bonjour Bénédicte, on vous retrouve pour cette deuxième chronique de l’automne avec une nouvelle sélection des choix du mois la rédaction de Le Moins Qu’on Puisse Lire. Vous la démarrez avec Tant mieux, le dernier roman de l’incontournable et indétrônable Amélie Nothomb…

Bonjour Guillaume, et oui, je suis d’accord avec vous pour dire que dans la littérature française ou plutôt francophone car elle est belge, il y a la reine Amélie Nothomb et les autres, parce que sa patte et son univers sont uniques.

Dans Tant mieux, qui est le coup de cœur de notre chroniqueuse Anne-Sophie Campagne, un opus qu’Amélie Nothomb a sorti fin août aux éditions Albin Michel, celle qui fait à 59 ans sa trente-troisième rentrée littéraire prend à nouveau sa famille pour sujet. L’écrivaine qui avait déjà évoqué son père dans Premier sang il y a quatre ans, s’attache cette fois-ci à redonner vie et corps à sa maman, Danièle, baptisée Adrienne dans le livre. Adrienne est une petite fille née en 1938 dans une famille bourgeoise de Bruxelles où toutes les femmes de son arbre généalogique notamment la grand-mère d’Adrienne, surnommée la “Grand-Maman de Gand“, sont des véritables monstres dignes des contes de Grimm.

 

Diriez-vous qu’il y aussi un peu de Cruella et de la méchante belle-mère de Blanche-Neige chez cette terrifiante aïeule ?

Effectivement, même si on peut se demander si elle n’est pas pire que les deux réunies ! Car pendant l’été cauchemardesque qu’Adrienne passe avec elle, cet être au cœur dur comme la pierre lui inflige mille et un sévices. Elle l’enferme à double tour dans une pièce sale et effrayante, lui fait ravaler son vomi après qu’Adrienne ait régurgité les harengs au vinaigre que Grand-Maman l’avait forcée à manger ou encore lui donne comme seul et unique jouet une cuillère en bois. Cette Grand-Maman exècre les humains et n’aime que les chats. Par réaction et parce que la violence est un poison qui se diffuse dans les veines et peut-être aussi dans les gênes, Astrid, sa fille, la mère donc d’Adrienne, kidnappe et tue les félins qui croisent sa route.

Pour survivre au sein de cet univers tissé de haines entremêlées, Adrienne crée une formule magique, “tant mieux”, qu’elle prend l’habitude de répéter, même dans les moments les plus traumatisants, pour conjurer la laideur de la vie. Et elle cassera plus tard ce cycle infernal, en devenant une mère extrêmement tendre. Pour Anne-Sophie, qui a donc lu ce livre au sein de Le Moins Qu’on Puisse Lire, ce livre est, je la cite, ”une épopée dans laquelle on plonge, sans prendre le temps de respirer.  L’écriture sobre et intelligente, le style riche et imagé de l’autrice transforment en jouissance cette lecture qui n’est pourtant ni plaisante ni émouvante”. Vous retrouverez évidemment la critique qui lui est consacrée sur notre site www.lmqpl.com.

 

Vous souhaitez évoquer ensuite Puisque l’eau monte, le choix de Marceline Bodier, une autre des plumes de choc de Le Moins Qu’on Puisse lire. C’est un roman qu’on n’attendait pas forcément durant la rentrée littéraire et qui n’a reçu que des critiques élogieuses…

Effectivement, Adélaïde Bon est un peu la divine surprise et l’outsider de cette rentrée littéraire, comme Adèle Yon et Mon vrai nom est Élisabeth il y a quelques mois. Publiée par une toute nouvelle et excellente maison d’éditions Le Soir Venu, en dehors donc du cercle de la dizaine d’éditeurs qui rafle la grande majorité des récompenses et truste les sommets des ventes, son livre fait pourtant l’unanimité et est d’ailleurs en lice pour plusieurs prix littéraires. Et comme dans Tant mieux, il se trouve que le thème des traumatismes intergénérationnels est aussi au centre de Puisque l’eau monte. Dans ce livre, l’autrice, qui avait déjà marqué les esprits avec La petite fille sur la banquise, raconte l’histoire de Sybille, une jeune femme qui présente tous les atours de la perfection. Elle a fait les meilleures études possibles, elle est sublime, elle a l’un de ces jobs bien payés qui font envie et un mari, Maxime, qui est un brillant jeune entrepreneur.

 

Mais dans ce monde fait de cases toutes cochées, vous nous expliquez qu’un évènement va venir faire voler en éclats cette belle vitrine…

Oui, l’avortement auquel Sybille recourt, à l’insu de son compagnon, va réveiller en elle les fulgurants stigmates d’un drame qu’elle a affronté dans le passé, celui de la disparition de sa mère l’été de de ses 14 ans. Celle qui semblait aussi placide qu’une mer étale va voir ses repères et ses certitudes voler en éclats. Elle va être submergée psychologiquement par une vague incontrôlable qui, dans un premier temps, va tout emporter sur son passage mais permettra finalement à cette héroïne de renaitre. A la fois très organique et suffocant, ce récit est pour Marceline qui l’a adoré “ce qu’on appelle un grand roman”…

 

Après ce livre qui nous immerge entre autres dans le Marais Poitevin, vous nous faites prendre maintenant la direction du Sud du Maroc…

Oui, plus précisément d’un petit village situé aux portes du désert et à flanc de montagne dans le Haut-Atlas. Les drames enfouis, ceux qui hantent les familles et les claquemurent dans une forteresse de silence sont ici, à l’image de de 2 livres que j’ai précédemment mentionnés, de Souviens-toi des abeilles, un roman signé par Zineb Mekouar au charme duquel l’autrice Odile Lefranc, qui est l’un des piliers de notre belle équipe, a succombé.

Le personnage principal de ce livre est Anir, un garçon de 10 ans. Si l’existence semble douce pour lui car Anir coule des jours heureux entre ses jeux d’enfants et l’apiculture qu’il découvre aux côtés de son grand-père Djeddi dans son rucher, les non-dits y saturent l’air comme les insectes qu’il côtoie. Pourquoi Aïcha, la mère d’Anir est-elle muette ? Pourquoi Anir l’a t-elle toujours connue dans cet état d’enfermement intérieur ? Et qu’est-ce qui pousse Omar, le père d’Anir, à s’éloigner autant des siens, officiellement pour gagner l’argent qui permettrait de soigner Aïcha ? C’est ce que la progression dans l’intrigue et à l’intérieur de la psyché des différents protagonistes va permettre d’apprendre.

Souviens-toi des abeilles dépeint les fractures du cœur des humains mais aussi s’attache aussi à évoquer l’impact du changement climatique sur la ruralité, entre le dessèchement des sols, le manque d’eau qui provoque entre autres une hécatombe chez les abeilles et l’exode rural des jeunes qui vont chercher ailleurs des perspectives économiques plus florissantes. Il vient de sortir à la fois en poche chez Folio et en audio chez Écoutez lire, interprété avec virtuosité par Françoise Gillard de la Comédie Française et je vous encourage à vous plonger dans la chronique de notre journaliste Odile Lefranc qui en parle avec beaucoup de poésie…

 

Vous avez souhaité pour terminer mettre un coup de projecteur sur Mammo Mia, le roman graphique de l’actrice Béatrice de la Boulaye…

Effectivement, j’achève ce tour d’horizon livresque avec Mammo Mia, que Béatrice de la Boulaye, la comédienne et tête d’affiche avec Sonia Rolland de la série de France 2 Tropiques criminels a conçu en duo avec l’illustratrice nantaise Bénédicte Voile. Dans cet ouvrage drôle et incisif, tant dans son coup de crayon que dans son propos, Béatrice de la Boulaye revient sur la découverte il y a 5 ans du cancer du sein agressif dont elle souffrait mais retrace également les étapes de son parcours médical, avec de très nombreuses explications sur la nature des examens et des analyses qu’elles a subis. Ce qui est très intéressant aussi, c’est qu’on entre avec cette BD dans sa tête et qu’elle nous fait partager ce qu’elle a éprouvé, entre colère, impuissance et volonté d’aller de l’avant, tout au long de ce chemin. L’invincible qu’elle croyait être a dû en effet reconnaitre qu’elle était moins invulnérable qu’elle le pensait et a dû accepter par ailleurs de devenir patiente, dans tous les sens du terme ; des sentiments dans lesquels se reconnaitront certainement beaucoup de personnes atteintes par cette maladie.

Bref, Mammo Mia, c’est un guide, publié par les éditions First, qui joue la carte de la pédagogie et de l’humour, plutôt que celle du pathos, pour inciter entre autres les femmes à ne plus zapper leurs visites de contrôle et à se faire dépister. Si vous vous voulez en savoir plus, Béatrice de la Boulaye m’a accordé un grand entretien à son sujet, que vous retrouverez lui aussi sur le site de Le Moins Qu’on Puisse Lire www.lmqpl.com. Voilà, je conclus en vous remerciant encore de faire cette jolie place à notre média sur l’antenne de CITERADIO et je vous donne rendez-vous le mois prochain.

Merci à Bénédicte Flye Sainte Marie et à toute l’équipe du site de Le Moins Qu’on Puisse Lire !

 

Les liens vers les chroniques des livres cités :

Chronique “Tant mieux” – Amélie Nothomb

Chronique “Puisque l’eau monte” – Adélaïde Bon

Chronique “Souviens-toi des abeilles” – Zineb Mekouar

Chronique “Mammo Mia” – Béatrice de la Boulaye