[CITERADIO] Table ronde « Climat et environnement : quels rôles pour les médias ? » – Sophie Roland, Delphine Noyon, Marina Yakovlev, Sébastien Moreau – 05/10/2023

photo table ronde

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Jeudi 05 octobre, CITERADIO s’est rendu à la Table ronde « Climat et environnement : quels rôles pour les médias ? » organisée par l’École Publique de Journalisme de Tours (EPJT) et le Club de la Presse Centre-Val de Loire. Sophie Roland, journaliste et formatrice certifiée par le Solutions Journalism Network, Delphine Noyon, rédactrice en chef adjointe à La Nouvelle République, Marina Yakovlev, co-fondatrice et vice-présidente de l’association Pour plus de climat dans les médias, et Sébastien Moreau, enseignement-chercheur à l’université de Tours, nous ont présenté les enjeux du traitement climatique dans les médias.

 

Sophie Roland a travaillé pendant près de vingt ans pour les journaux télévisés et les magazines d’enquête, comme Envoyé Spécial ou Cash Investigation. Aujourd’hui, elle a pris conscience de l’importance du traitement médiatique des enjeux climatiques. Elle s’est donc naturellement tournée vers le journalisme de solution et sensibilise étudiants et rédactions aux questions environnementales. Elle enseigne aux journalistes de TF1, France Télévision ou encore Le Parisien à traiter les solutions avec rigueur et non pas naïveté. Quand un média présente une solution, il doit y avoir une réflexion sur le choix des mots et des images employés. Par exemple, lorsque les journaux télévisés nationaux ont abordé les températures anormalement hautes du mois de septembre, ils montraient des personnes à la plage, faisant de la planche à voile. Ils parlaient des terrasses et des campings qui pouvaient prolonger la saison estivale. Mais Sophie Roland rappelle que des records de chaleur, ce sont surtout des problèmes de santé pour les personnes âgées ou les nourrissons, des individus cloîtrés chez eux à cause de la chaleur qui règne dehors. Des enjeux peu abordés. Il y a une déconnexion entre ce qui est dit et ce qui est montré.

 

Sébastien Moreau a parfois fait les frais de ce mauvais traitement des questions climatiques dans les médias. Alors qu’il faisait la promotion du Compostou, un composteur innovant fabriqué en Touraine, sur la chaîne France 3 Centre-Val de Loire, une erreur dans la vidéo de présentation de la chaîne lui saute aux yeux. Un encart annonce « un Compostou produit 0,5 tonnes de biodéchets par an », ce qui est faux. Après avoir alerté la rédaction, il reçoit une réponse de la rédaction expliquant que France 3 Centre-Val de Loire s’excuse, mais qu’ils ne peuvent pas changer cette information, car la vidéo est déjà postée et le sujet bouclé. Pour Sébastien Moreau, il faudrait que les médias produisent « moins, moins vite & mieux », explique-t-il avant de partir. Puis il rajoute en dernier conseil qu’il ne faut pas hésiter à consulter des chercheurs s’il y a besoin d’une expertise.

 

Marina Yakovlev en réclame plus d’expertise. Son association Pour plus de climat dans les médias effectue une veille active et qualitative des journaux télévisés, c’est-à-dire qu’elle regarde combien de fois dans le script d’un journal télévisé l’écologie est abordée, et si c’est bien abordé. Et les résultats ne sont pas brillants. Un exemple marquant de la faible couverture des enjeux écologiques est le temps d’antenne accordé à la COP15 et à la Coupe du Monde de football entre le 6 décembre et le 20 décembre 2022. D’après les chiffres de l’association, TF1 a accordé 228 minutes de temps d’antenne à la Coupe du Monde, contre 10 minutes pour la COP15. M6 est mauvais élève également avec 61 minutes accordées aux matchs des bleus contre 3 minutes à la biodiversité. France 2 s’en sort mieux grâce à ses 36 minutes pour la COP15 face aux 42 minutes pour la Coupe du Monde. « Nous, notre rêve, c’est qu’il y ait un prisme écologique » au même titre que les prismes économique ou social avec lesquels l’actualité est traitée dans les journaux télévisés, explique Marina Yakovlev. L’association note tout de même une amélioration la couverture des questions climatiques, puisque les journaux télévisés passent de 3 minutes de temps d’antenne tout cumulé accordés à la sortie du dernier rapport du GIEC en mars 2022, à environ 6 minutes pour France 3 et France 2 en mars 2023.

 

Delphine Noyon constate également une évolution dans la façon de traiter le climat au sein de La Nouvelle République. En 2019, cinq journalistes avaient créé un groupe Facebook « Foutue Planète ? » pour partager des informations et réflexions sur l’environnement. Mais l’ambiance tournait au défaitisme, alors en mai 2023 le podcast « Plus verte la vie » est lancé. Il met en avant des personnes ayant changé leurs habitudes de vie pour répondre à l’urgence climatique. Aujourd’hui, à La Nouvelle République, une trentaine de journalistes ont déjà été formés sur les enjeux environnementaux.

 

La question écologique est au cœur des médias et de l’information. Si peu de rédactions osaient s’attaquer au climat, c’était par peur d’une chute d’audience liée à l’éco-anxiété ou à une lassitude. Mais l’expérience a montré que ça n’était pas le cas. Au contraire, les consommateurs s’intéressent de plus en plus à ces enjeux. Alors une adaptation est nécessaire de la part des médias. En septembre 2022, une Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique est signée par plus de 500 journalistes et 50 rédactions, inaugurant une nouvelle ère du traitement de l’actualité.

 

Interview de Sophie Roland, journaliste et formatrice certifiée par le Solutions Journalism Network. Elle revient sur comment les médias peuvent être plus rigoureux dans leur traitement du climat, sur la qualité de ce traitement et sur l’impact que ce traitement peu avoir sur le comportement des citoyens.

 

Soline Desnot