Bénédicte Flye Sainte Marie, rédactrice en chef et directrice de la publication du site Le Moins Qu’on Puisse Lire, nous propose une sélection de livres à découvrir.
Bonjour Guillaume, oui, ça ne vous aura pas échappé que l’on parle beaucoup ces dernières semaines des turpitudes de nos présidents de la République, présents ou passés. Eh bien, ce mois-ci, parmi les choix de la rédaction de notre média littéraire Le Moins Qu’on Puisse Lire, je vais d’abord vous présenter La guerre par d’autres moyens de Karine Tuil, un livre paru aux éditions Gallimard que j’ai beaucoup aimé, dont le personnage principal est précisément un chef de l’État ou plutôt un ancien chef de l’État. Il s’appelle Dan Lehman, il a la soixantaine bien tassée et il a quitté l’Élysée un an auparavant après y avoir passé une demi-décennie. Il est maintenant au creux de la vague alors qu’il était autrefois le leader de gauche que tout le monde portait aux nues. Ses alliés politiques le fuient, ses ennemis et la presse le fustigent et les Français, qui l’ont pourtant élu, ne prennent même plus la peine d’appuyer sur le bouton de leur télécommande quand il passe dans une émission. Il est par ailleurs sur le point d’être entendu par la justice concernant une affaire de corruption.
Tandis que lui s’enfonce dans la morosité et l’addiction à l’alcool, Hilda, sa deuxième épouse, une star de cinéma nettement plus jeune que lui, s’apprête à faire un comeback fracassant. Alors que sa carrière avait souffert de l’élection de son mari, l’ex-Première Dame est la tête d’affiche d’A la recherche du désastre, un film d’auteur sur les violences conjugales réalisé par Romain Nizan, un cinéaste parisien branché, qui pourrait être sélectionné au Festival de Cannes et valoir à Hilda un Prix d’interprétation.
L’une monte quand l’autre descend, au moment où leur couple vole en éclats. Si vous ajoutez à ce tableau Marianne, l’ex-femme de Lehman, qui se trouve être l’autrice du roman dont est adapté A la recherche du désastre, Nizan, le réalisateur, qui est narcissique et violent, Léonie, la fille de Lehman qui est amoureuse de Roman Nizan et Mélanie, une comédienne qui s’est fait voler son idée d’adaptation d‘A la recherche du désastre par ce dernier, vous obtiendrez une comédie humaine beaucoup plus acide et cruelle que drôle. Cette guerre des égos dont personne ne sort indemne est décrite avec virtuosité par Karine Tuil. A lire donc sans tarder et évidemment vous retrouvez la chronique du livre de La guerre par d’autres moyens sur le site de notre média littéraire de “Le Moins Qu’on Puisse lire”, www.lmqpl.com.
De grand écran, il est aussi question dans le deuxième opus dont je vais vous parler maintenant Comment Marylin m’a sauvé la vie, publié par les éditions Grasset, qui est le coup de cœur du moment de notre chroniqueuse Patsy Monsoon. Dans ce roman très autobiographique, Régis Nkissi, qui est aussi acteur et que l’on a pu voir dans des séries comme Emily in Paris et Chair tendre, raconte comme sa différence et le regard que les autres posaient sur elle l’a poussé vers le désespoir.
Issu d’une famille d’origine congolaise très aimante qui habitait à Sedan, dans les Ardennes, choyé par les adultes qui l’entouraient, ses parents, sa grand-mère, ses cinq sœurs, le petit Régis a en revanche été constamment harcelé à l’école, parce qu’il adorait les vêtements colorés, les sacs extravagants, qu’il cultivait l’élégance, la coquetterie et aussi et surtout évidemment parce qu’il était homosexuel… Face à ces moqueries et menaces permanentes, Régis a décidé un jour de se jeter du haut de la tour Eiffel. Mais au moment où il s’apprêtait à passer à l’acte lui est apparue Marilyn Monroe, ou son fantôme – on ne sait pas – qui lui a expliqué qu’elle avait également traversé des moments très difficiles dans son existence et qui l’a encouragé à ne pas abandonner. C’est un livre qui raconte un retour à la vie et qui part de la tristesse pour aller vers l’espoir, c’est très beau et la chronique de Patsy, qui l’est tout autant, est à découvrir sur Le Moins Qu’on Puisse Lire.
On change complètement de décor et même de pays ensuite avec Night Boy qui est sorti il y a quelques semaines à La Manufacture de Livres, un ouvrage sur lequel notre nouvelle chroniqueuse Odile Lefranc a souhaité mettre un coup de projecteur. Dans ce roman très sombre et très percutant qui se déroule dans le Sud de Angleterre et que l’on doit à Gilles Sebhan, un écrivain qui est aussi artiste-peintre, on accompagne la cavale d’Abad, un adolescent qui a assisté par hasard à un sanglant règlement de comptes entre deux factions criminelles, l’une pakistanaise, l’autre albanaise et dont la vie est depuis menacée, car il se trouve qu’il a été au mauvais moment au mauvais endroit. Afin de fuir les hommes qui veulent le tuer, Abad va se réfugier chez Gloria, une femme trans avec qui il va nouer une improbable complicité. A travers cette histoire inspirée des Grooming Gangs, le scandale des viols collectifs qui ont traumatisé les Britanniques au début des années 2000, Gilles Sebhan pointe à la fois l’ultra- violence de notre époque, de nos sociétés, mais aussi les ilots d’humanité, parfois inattendus, auxquels on peut se raccrocher pour ne pas se noyer dans cette noirceur.
On passe ensuite du versant obscur des choses vers un opus plus lumineux, avec Les Renaissances, d’Agnès Martin-Lugand, paru chez Michel Lafon, pour lequel Géraldine Wiart, qui vient également, comme Odile, de rejoindre notre équipe de rédaction, s’est enthousiasmée. Ce roman met en scène Rebecca, une autrice, qui est à un moment de sa vie où elle est en panne de tout. Elle n’a plus d’inspiration, plus aucun sujet ne la motive et plus aucun personnage ne s’invite dans son imaginaire. Sa relation avec Esteban, son mari, où le désir et l’envie d’être ensemble se sont éteints, ne va pas mieux. Mais dans la vie de Rebecca, une rencontre va créer l’étincelle : elle va croiser la route de Lino, un artisan vénitien, qui lui fait le récit d’un amour qu’il a perdu et qui reste inconsolable. En écoutant Lino, la flamme va réveiller chez Rebecca celle d’écrire et peut-être celle de réinventer sa vie et de rompre avec un train-train qui était rassurant mais qui l’étouffait. D’où le titre de ce livre, qui est fidèle à la patte d’Agnès Martin-Lugand, une romancière qui sait mieux que personne cheminer sur le fil de l’intime et de l’émotion. D’après Géraldine, qui l’a donc lu pour Le Moins Qu’on Puisse Lire, c’est un roman qui a une vertu très singulière, à savoir son pouvoir d’identification. On se reconnait dans ce qu’Agnès Martin-Lugand raconte et on n’est plus la ou le même, une fois qu’on referme ce livre…
Je termine cet aperçu des coups de cœur de la rédaction avec celui d’Amandine Gombault, notre cheffe de rubrique jeunesse, avec un livre pour enfants Je déteste tout, un livre pour enfants dans lequel deux petits fantômes, l’un très ronchon, l’autre beaucoup plus sympa, ont une conversation. Le premier, par principe, dit que tout l’insupporte, le second va lui prouver qu’il se trompe puisqu’il l’aime lui, son copain ainsi que les bonbons, les fraises, les fleurs, les gâteaux… C’est très mignon et c’est aux éditions Grasset.
J’avais démarré ma chronique en évoquant les Présidents de la république, je la termine, en utilisant la formule que l’un d’entre eux a rendue célèbre “Au revoir” cher Guillaume (si vous voyez de qui je veux parler…), et au plaisir de vous retrouver le moins prochain.
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[CITERADIO] Chronique littéraire – Bénédicte Flye Sainte Marie – “Le moins qu’on puisse lire” – 25 juin 2025
Bénédicte Flye Sainte Marie, rédactrice en chef et directrice de la publication du site Le Moins Qu’on Puisse Lire, nous propose une sélection de livres à découvrir.
Bonjour Guillaume, oui, ça ne vous aura pas échappé que l’on parle beaucoup ces dernières semaines des turpitudes de nos présidents de la République, présents ou passés. Eh bien, ce mois-ci, parmi les choix de la rédaction de notre média littéraire Le Moins Qu’on Puisse Lire, je vais d’abord vous présenter La guerre par d’autres moyens de Karine Tuil, un livre paru aux éditions Gallimard que j’ai beaucoup aimé, dont le personnage principal est précisément un chef de l’État ou plutôt un ancien chef de l’État. Il s’appelle Dan Lehman, il a la soixantaine bien tassée et il a quitté l’Élysée un an auparavant après y avoir passé une demi-décennie. Il est maintenant au creux de la vague alors qu’il était autrefois le leader de gauche que tout le monde portait aux nues. Ses alliés politiques le fuient, ses ennemis et la presse le fustigent et les Français, qui l’ont pourtant élu, ne prennent même plus la peine d’appuyer sur le bouton de leur télécommande quand il passe dans une émission. Il est par ailleurs sur le point d’être entendu par la justice concernant une affaire de corruption.
Tandis que lui s’enfonce dans la morosité et l’addiction à l’alcool, Hilda, sa deuxième épouse, une star de cinéma nettement plus jeune que lui, s’apprête à faire un comeback fracassant. Alors que sa carrière avait souffert de l’élection de son mari, l’ex-Première Dame est la tête d’affiche d’A la recherche du désastre, un film d’auteur sur les violences conjugales réalisé par Romain Nizan, un cinéaste parisien branché, qui pourrait être sélectionné au Festival de Cannes et valoir à Hilda un Prix d’interprétation.
L’une monte quand l’autre descend, au moment où leur couple vole en éclats. Si vous ajoutez à ce tableau Marianne, l’ex-femme de Lehman, qui se trouve être l’autrice du roman dont est adapté A la recherche du désastre, Nizan, le réalisateur, qui est narcissique et violent, Léonie, la fille de Lehman qui est amoureuse de Roman Nizan et Mélanie, une comédienne qui s’est fait voler son idée d’adaptation d‘A la recherche du désastre par ce dernier, vous obtiendrez une comédie humaine beaucoup plus acide et cruelle que drôle. Cette guerre des égos dont personne ne sort indemne est décrite avec virtuosité par Karine Tuil. A lire donc sans tarder et évidemment vous retrouvez la chronique du livre de La guerre par d’autres moyens sur le site de notre média littéraire de “Le Moins Qu’on Puisse lire”, www.lmqpl.com.
De grand écran, il est aussi question dans le deuxième opus dont je vais vous parler maintenant Comment Marylin m’a sauvé la vie, publié par les éditions Grasset, qui est le coup de cœur du moment de notre chroniqueuse Patsy Monsoon. Dans ce roman très autobiographique, Régis Nkissi, qui est aussi acteur et que l’on a pu voir dans des séries comme Emily in Paris et Chair tendre, raconte comme sa différence et le regard que les autres posaient sur elle l’a poussé vers le désespoir.
Issu d’une famille d’origine congolaise très aimante qui habitait à Sedan, dans les Ardennes, choyé par les adultes qui l’entouraient, ses parents, sa grand-mère, ses cinq sœurs, le petit Régis a en revanche été constamment harcelé à l’école, parce qu’il adorait les vêtements colorés, les sacs extravagants, qu’il cultivait l’élégance, la coquetterie et aussi et surtout évidemment parce qu’il était homosexuel… Face à ces moqueries et menaces permanentes, Régis a décidé un jour de se jeter du haut de la tour Eiffel. Mais au moment où il s’apprêtait à passer à l’acte lui est apparue Marilyn Monroe, ou son fantôme – on ne sait pas – qui lui a expliqué qu’elle avait également traversé des moments très difficiles dans son existence et qui l’a encouragé à ne pas abandonner. C’est un livre qui raconte un retour à la vie et qui part de la tristesse pour aller vers l’espoir, c’est très beau et la chronique de Patsy, qui l’est tout autant, est à découvrir sur Le Moins Qu’on Puisse Lire.
On change complètement de décor et même de pays ensuite avec Night Boy qui est sorti il y a quelques semaines à La Manufacture de Livres, un ouvrage sur lequel notre nouvelle chroniqueuse Odile Lefranc a souhaité mettre un coup de projecteur. Dans ce roman très sombre et très percutant qui se déroule dans le Sud de Angleterre et que l’on doit à Gilles Sebhan, un écrivain qui est aussi artiste-peintre, on accompagne la cavale d’Abad, un adolescent qui a assisté par hasard à un sanglant règlement de comptes entre deux factions criminelles, l’une pakistanaise, l’autre albanaise et dont la vie est depuis menacée, car il se trouve qu’il a été au mauvais moment au mauvais endroit. Afin de fuir les hommes qui veulent le tuer, Abad va se réfugier chez Gloria, une femme trans avec qui il va nouer une improbable complicité. A travers cette histoire inspirée des Grooming Gangs, le scandale des viols collectifs qui ont traumatisé les Britanniques au début des années 2000, Gilles Sebhan pointe à la fois l’ultra- violence de notre époque, de nos sociétés, mais aussi les ilots d’humanité, parfois inattendus, auxquels on peut se raccrocher pour ne pas se noyer dans cette noirceur.
On passe ensuite du versant obscur des choses vers un opus plus lumineux, avec Les Renaissances, d’Agnès Martin-Lugand, paru chez Michel Lafon, pour lequel Géraldine Wiart, qui vient également, comme Odile, de rejoindre notre équipe de rédaction, s’est enthousiasmée. Ce roman met en scène Rebecca, une autrice, qui est à un moment de sa vie où elle est en panne de tout. Elle n’a plus d’inspiration, plus aucun sujet ne la motive et plus aucun personnage ne s’invite dans son imaginaire. Sa relation avec Esteban, son mari, où le désir et l’envie d’être ensemble se sont éteints, ne va pas mieux. Mais dans la vie de Rebecca, une rencontre va créer l’étincelle : elle va croiser la route de Lino, un artisan vénitien, qui lui fait le récit d’un amour qu’il a perdu et qui reste inconsolable. En écoutant Lino, la flamme va réveiller chez Rebecca celle d’écrire et peut-être celle de réinventer sa vie et de rompre avec un train-train qui était rassurant mais qui l’étouffait. D’où le titre de ce livre, qui est fidèle à la patte d’Agnès Martin-Lugand, une romancière qui sait mieux que personne cheminer sur le fil de l’intime et de l’émotion. D’après Géraldine, qui l’a donc lu pour Le Moins Qu’on Puisse Lire, c’est un roman qui a une vertu très singulière, à savoir son pouvoir d’identification. On se reconnait dans ce qu’Agnès Martin-Lugand raconte et on n’est plus la ou le même, une fois qu’on referme ce livre…
Je termine cet aperçu des coups de cœur de la rédaction avec celui d’Amandine Gombault, notre cheffe de rubrique jeunesse, avec un livre pour enfants Je déteste tout, un livre pour enfants dans lequel deux petits fantômes, l’un très ronchon, l’autre beaucoup plus sympa, ont une conversation. Le premier, par principe, dit que tout l’insupporte, le second va lui prouver qu’il se trompe puisqu’il l’aime lui, son copain ainsi que les bonbons, les fraises, les fleurs, les gâteaux… C’est très mignon et c’est aux éditions Grasset.
J’avais démarré ma chronique en évoquant les Présidents de la république, je la termine, en utilisant la formule que l’un d’entre eux a rendue célèbre “Au revoir” cher Guillaume (si vous voyez de qui je veux parler…), et au plaisir de vous retrouver le moins prochain.
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